« Sans lendemain »

Aujourd’hui, est un jour particulier, le dernier de sa vie. Il sait qu’il doit être exécuté demain après-midi en place publique. Je dois le rencontrer pour recueillir ses dernières confessions. Je me rends donc à la prison où il est incarcéré. Pour me conduire jusqu’à lui, on me fait traverser un dédale  de longs couloirs exigus et sombres qui sentent le renfermé : de vrais couloirs de la mort. Lorsque j’arrive dans sa cellule tout juste équipée d’un lit, d’une chaise et d’un pot de chambre, la première chose que je remarque, c’est les chaînes autour de ses poignets et de ses chevilles. Il est là, entravé, attaché telle une bête, et surveillé par un garde – un colosse à la mine patibulaire, tout de rouge vêtu à l’instar du diable – dont j’ai entendu les bottes marteler le sol, avant d’apercevoir son inquiétante silhouette qui, comme si sa présence n’était pas suffisante, projetait des ombres sur les murs gris et planait, menaçante, sur l’atmosphère.

Je détourne les yeux pour plonger mon regard dans celui du condamné. J’aimerais sonder son âme, mais dans ces deux globes bleus perdus dans le vague de l’immensité, je ne décèle rien si ce n’est un avenir sans lendemain. En revanche, je vois son corps tendu, je perçois ses sens à l’affût. Je me demande ce qui se passe dans sa tête. En réponse à ma question muette, il me regarde intensément et déclare, grave, sans ciller avec une voix sûre et posée : « Je me souvenir de tout, les bruits, les odeurs, les sensations…Il marque une pause avant d’ajouter : « J’avais une vie heureuse que je refuse d’oublier. Mais tout a basculé vite, trop vite. Ici, je vis l’enfer, c’est encore pire que ce dont on m’accuse. Alors même si je suis innocent, je ne me battrai pas ; en me séquestrant dans cette geôle, on a déshonoré ma famille, on m’a brisé les ailes, on a volé mes rêves. Je n’ai plus qu’une hâte, voir finir mon cauchemar. Je vous laisse une lettre pour mes parents, remettez leur s’il vous plaît de la part de leur fils qui les aime quand je ne serai plus de ce monde et précisez leur que je suis en paix.